A titre indicatif, le Pérou se classe parmi les 5 premiers producteurs mondiaux d'argent, de cuivre, d'étain, de zinc, de plomb, de molybdène et d'or. L'exploitation des matières premières constitue une part importante de l'économie du pays. Les perspectives de croissance sont dépendantes des exportations de minerais, de textiles et de produits agricoles. En outre, l'essor économique est étroitement lié aux prévisions d'un grand projet de gaz naturel (Camisea). D'autres projets énergétiques prometteurs joueront également un rôle certain dans les prévisions de croissance économique de cet Etat. J'ai appris qu'au delà de ces projets en relation avec le développement de l'exploitation de ressources, le Président Garcia a dernièrement annoncé un programme destiné à promouvoir le développement économique sur les hauts plateaux centraux et du sud du pays, nommé "Sierra Exportadora".
Au Pérou, l'abondance et la diversité des ressources sont souvent une malédiction entre les mains des gouvernants, m'indiquent mes collègues de bureau. Leur exploitation a longtemps été traitée sans prise en considération de critères de viabilité et de durabilité. Depuis le début de l'ère républicaine, les politiques économiques des gouvernements successifs ont été - en général - sévèrement affectées par l'exploitation intensive (et non rationnelle) des ressources naturelles, toujours sujettes à des facteurs d'ordre externe (les fluctuations des cours du marché).
Ces éléments nuisent à des perspectives de croissance stables et ont des répercussions sur la structure de l'économie du pays, dans le sens où l'Etat ne peut avoir de prise sur la stabilité des cours de matière premières mondiaux. La loi mondiale de l'offre et de la demande échappe aux Etats.
Ces faits contribuent à expliquer partiellement le fait qu'il est une "malédiction" de devoir assurer l'exploitation de ressources abondantes et non renouvelables ( minerais, pétrole, gaz) pour un Etat souverain ; la pression sur les Etats disposant d'importantes ressources est d'autant plus forte qu'avec la récente crise énergétique et la conjoncture économique mondiale actuelle, ces ressources font l'objet d'une demande croissante, notamment avec l'émergence de certaines économies asiatiques.
Une autre partie de la malédiction, c'est qu'en dépit de ressources non renouvelables abondantes et d'investissements colossaux dans des projets énergétiques (extraction de minerais, infrastructures d'exploitation de gisements d'hydrocarbure et de gaz naturel) et de ressources renouvelables, le pays reste pauvre. Le taux de pauvreté à l'heure actuelle frôle les 50% de la population nationale et les réformes structurelles pour combattre la pauvreté ne sont pas menées à bien.
A partir de ce postulat, j'ai pu comprendre à travers les différentes conversations que j'ai pu avoir avec les péruviens, que la population péruvienne est en droit de se demander quel est l'impact véritable de ces nombreux projets énergétiques en termes de croissance économique, de développement et d'amélioration des conditions de vie de la population. D'autre part ce thème soulève d'autres interrogations chez eux, comme celle de connaître les raisons qui expliquent cette "malédiction des ressources naturelles" dans le cas d'un pays comme le Pérou.
La vraie question que j'ai pu faire ressortir de cette réflexion repose sur les mesures à prendre pour faire émerger un modèle d'exportation garantissant de réels bénéfices en termes de développement économique, social, et environnemental. Plusieurs éléments de réponse sont apportés par un économiste, Joseph Stigitz :
- primauté du lucratif : les profits potentiels générés par l'exploitation de ressources à l'image des hydrocarbures, des minerais et du gaz orientent les dirigeants politiques et entrepreneurs vers des objectifs pervertis.
- Volatilité : les ressources naturelles sont sujettes à des prix hautement volatiles et déterminés par les marchés financiers internationaux, qui, lorsqu'ils entrent dans des crises récurrentes peuvent avoir de graves conséquences sur les pays les plus pauvres.
A mes yeux, le Pérou initie un début de prise de conscience sur les enjeux des ressources naturelles. Durant longtemps, l'intérêt économique a occulté l'impact des activités humaines sur l'environnement ; sous un angle plus général, la politique conduite par l'Etat ne permettait pas d'offrir une politique conciliable avec le développement durable : c'est à dire les besoins des générations présentes primaient sur la problématique environnementale et les besoins des générations futures ; aujourd'hui les questions liées à l'environnement commencent à prendre une importance croissante sur la scène politique du pays.
En effet, comme me commentait ma collègue Romina, diplômée de l'éducation péruvienne, l'environnement a durant de nombreuses années été occulté dans le programme éducatif des établissements scolaires, et l'absence de préoccupation citoyenne parmi la population a aggravé la situation (tri, déchets, économie d'énergie, politique de développements d'énergies alternatives).
En 2008, le Conseil National de l'Environnement se crée (http://www.conam.gob.pe/Modulos/Home/index.asp), ce qui constitue en soi une étape significative dans la prise de conscience nationale. Toutefois les progrès à réaliser en terme de protection environnementale restent importants.
Je me suis rendu compte après cette analyse de la situation que malgré l'envergure des projets énergétiques entrepris au Pérou et une politique énergétique restée pendant longtemps non durable, l'incidence sur les conditions de vie de la population reste limitée, voire inexistante selon certains commentaires récurrents que j'ai entendus.
En vue d'apporter un angle de vue différent, nous vous invitons à exprimer votre point de vue sur le débat des enjeux politiques des ressources naturelles au Pérou. Merci par avance pour vos commentaires.