Segundo se tient dans les reflets du soleil couchant, devant le volcan de Chimborazo. Derrière lui, les corps de plus de 80 alpagas scintillent dans la lumière du soir. Étonnement, ces derniers se groupent derrière lui, mais sans le toucher. Ce sont des animaux de compagnie mais qui ont un certain besoin de liberté.
Dès l’aube, le troupeau se rend dans la zone protégée des hauteurs du volcan de Chimborazo et y passe la journée, avant de rentrer le soir en toute sécurité dans l’écurie ouverte et clôturée, quelques mètres plus bas. Chaque semaine, un membre de la communauté se lève avec le troupeau d'alpagas et se dirige dans la zone de protection. Cette fois-ci, c'était le tour de Segundo. Un gardien d'alpaga est désigné chaque semaine pour que les animaux ne soient pas seuls. En dehors des alpagas, seuls les animaux sauvages sont admis dans la zone de protection. Il s'agit notamment de colibris, de lapins et de vigognes, mais aussi de condors et de loups.
La protection des alpagas est plus importante que jamais. En effet, les troupeaux ne sont pas seulement une source de subsistance mais contribuent également fortement à la protection du Paramo (forme de végétation la plus présente dans cette région) comme vous pouvez le lire dans l’article : comment les alpagas ont sauvé la nature en Équateur.
Aujourd'hui, les alpagas attendront encore un peu la fourrure au vent avant de redescendre, car Segundo est intarissable sur l'importance du troupeau pour sa communauté.
Avoir un alpaga comme animal de compagnie est le rêve de nombreux Européens. Mais les alpagas ne sont ni des chiens, ni des chats : ce ne sont pas des peluches qui peuvent être caressées à tout bout de champs et leur élevage est soumis à de nombreuses conditions. Comme les chevaux, les alpagas ne peuvent être élevés en solitaire, car ce sont des animaux qui ont besoin de vivre en troupeau pour être heureux.
De plus en plus de fermes d’alpagas voient le jour en France, comme en Suisse, en Allemagne ou en Autriche.
Bien qu’il est été soutenu jusqu’à la fin des années 90, que l’alpaga descendait du guanaco, il est désormais scientifiquement prouvé qu’il descend en fait de la vigogne.
Jamais, à part peut-être à l’époque des Incas, la laine d’alpaga n’a été aussi populaire qu’aujourd’hui. Autrefois, le port de “la toison des dieux” était exclusivement réservée à la noblesse. Chez les Incas, le manteau en alpaga était considéré comme particulièrement noble.
Aujourd’hui, chaussettes, couvertures et ponchos, tout comme les produits déclarés “baby alpaga” sont LE must à avoir pour cet hiver. Mais peut-on vraiment parler de laine ?
Le terme de “laine” présente quelques ambiguïtés en ce qui concerne la déclaration du produit. Au sens strict, la laine correspond à la fibre de toison de l’animal auquel elle appartient. Il est correct de parler de laine pour certains animaux comme le mouton ou la chèvre angora. Pour les autres, le terme de fibre est plus juste. De manière générale, la toison de l’alpaga est généralement appelée “laine d’alpaga”, bien que d’autres écoles prêchent le terme de “fibre d’alpaga”.
Chaque animal est tondu une fois par an, le rendement d’une tonte peut atteindre jusqu’à 6kg, la laine des pattes étant également pesée. Dans la plupart des cas cependant, seule la moitié de la tonte peut être utilisée, de sorte que seuls 1 à 3 kilos de fibres peuvent être produits par animal et par tonte chaque année.
Comme la laine de mouton, le poil d'alpaga retient peu la saleté mais neutralise bien mieux les odeurs et la transpiration. Les plus gros avantages de la fibre d’alpaga cependant sont qu’elle est moins électrifiée que la laine de mouton, ne fait pas de peluches, tient jusqu’à 7 fois plus chaud, se déforme peu, est facile à nettoyer et surtout, c’est une fibre hypoallergénique, même pour les peaux les plus sensibles.
La laine d'alpaga est disponible en 22 teintes naturelles différentes allant du blanc au brun rougeâtre tout en passant par le noir profond.
Le fait que la fibre d'alpaga soit connue pour être une fibre "très fine" est lié à l'épaisseur de la fibre. Le diamètre est mesuré en microns et, en fonction de son épaisseur, il est attribué à l'une des quatre différentes classes de qualité de la laine d'alpaga. En Amérique du Sud, une distinction est faite dans les classes de Primera Fibra (première fibre) à Cuarta Fibra (quatrième fibre), où la classification exacte varie quelque peu en raison des sous-classes souvent énumérées - certaines listes montrent aussi cinq ou six classes différentes de laine d'alpaga de qualité !
Classe | Désignations (variantes possibles) |
Primera Fibra | Super Royal < 16 Micron |
Baby Royal < 20 Micron | |
Baby Alpaka 20.1 – 23 Micron | |
Segunda Fibra | Superfine 23.1 – 26.9 Micron |
Tercera Fibra | Medium 27.0 – 30.0 Micron |
Cuarta Fibra | Strong 31 – 35.9 Micron |
Coarse > 36 Micron |
La fibre désignée "bébé alpaga" ne vient pas du bébé alpaga mais de la première et la deuxième tonte des jeunes alpagas. Elles sont généralement classées dans la première classe de qualité. A partir de la troisième tonte, les jeunes alpagas ne sont plus appelés bébés alpagas. Mais la toison du dos des alpagas adultes est généralement aussi dans la première classe de qualité.
La toison du cou et des cuisses de l'alpaga ainsi que la fibre des alpagas plus âgés, qui ont déjà donné naissance à plusieurs jeunes (crías), appartiennent à une classe plus grossière. En comparaison, cette fibre reste encore très fine : l'épaisseur de la laine de mouton conventionnelle est de 40 microns et celle des cheveux humains est bien supérieure à 50 microns.
Tandis que Segundo commence lentement la descente avec son troupeau, il me parle de chaque alpaga individuellement. Ils sont 86, mais il les connaît tous. Les alpagas peuvent vivre jusqu'à 18 ans.Ici, dans la communauté, ils gardent leurs animaux jusqu'à l'âge de 12-14 ans, puis ils sont vendus ou abattus. “Après quatre portées”, Segundo dit sobrement, “la tonte n'est plus aussi bonne”.
Lors du déclin de l'élevage de moutons au volcan Chimborazo, il a été l'un des premiers à se rendre au Pérou, qui accueille encore aujourd'hui plus de 75 % de tous les alpagas. Avec des éleveurs professionnels, il a tout appris sur la qualité de la fibre d'alpaga et ce qu'il y a à considérer lors de son élevage. Lorsque le gouvernement de l'Équateur a finalement conclu un accord avec l'État péruvien dans les années 90, des étalons d'alpaga du Pérou ont été importés en Équateur. Segundo en a reçu 3 dans sa communauté. Désormais, chaque alpaga de son troupeau vaut entre 3000 et 4000 dollars. Un étalon en vaut encore plus.
La toison de chaque tonte leur rapporte environ 800 dollars. La communauté de Chimborazo est même autorisée à tondre les vigognes sauvages, qui sont la propriété de l'État équatorien. Plus de 12 familles de la communauté sont impliquées dans l'élevage de l'alpaga, hommes et femmes confondus. Beaucoup de femmes sont impliquées dans le processus : elles trient la laine polaire selon les classes de qualité, la transforment en fil et fabriquent à la main : gants, chapeaux, écharpes, ponchos, gilets, sacs et pull-overs.
Dans un magasin de la rue principale, elles vendent leurs produits aux touristes ou s'assoient à l'ombre et tricotent. Le tricot a lieu à chaque minute libre, même pendant les conversations, comme l’ont pourrait voir nos grands-mères le faire. Des échantillons sont échangés entre elles afin que chaque femme de la communauté puisse produire les différents produits d'alpaga. Néanmoins, elles vont également aux champs pendant une semaine en tant que bergère d'alpagas, comme les hommes. Ça fait partie de la vie avec les alpagas.
Pour en savoir plus sur les alpagas :
Saviez-vous qu'il existe en France et dans de nombreux pays d'Europe, de plus en plus de fermes d'élevage d'alpaga que vous pouvez visiter ?